12 février 2020.
Un rassemblement de plusieurs centaines d’enseignants, de parents d’élèves, de lycéens et de militants syndicaux se sont retrouvés en fin d’après midi boulevard Paixhans devant le portail des bâtiments de la Direction des Services Départementaux de l’Education Nationale de la Sarthe (DSDEN) pour protester contre le passage de force des épreuves d’E3C des élèves de Première en présence de policiers sur plusieurs lycées du Mans.
Le responsable de la FSU a commencé par nous rappeler la situation: « L’objectif aujourd’hui c’est de faire entendre la voix de l’ensemble de la communauté éducative parents, élèves, enseignants pour démentir le discours de Blanquer qui fait peser le poids de ce qui se passe en ce moment dans les lycées notamment sur les seuls excités et radicalisés que seraient les enseignants et on va lui montrer aujourd’hui que bien évidemment ça n’est pas le pas et que c’est bien l’ensemble de la communauté éducative qui est mobilisée » […]
[…] « Ensuite il [Blanquer] a mis en place Parcoursup ce qui a eu pour conséquence immédiate que des milliers de bacheliers ont dû attendre la rentrée pour s’inscrire quand ils ne se sont pas retrouvés sans affectation. Un grand nombre d’entre eux étaient donc amenés à se tourner vers les formations privées. Parcoursup instaure une sélection des étudiants dans les universités et renforce ainsi le tri social, puis il [Blanquer] s’appliquait à transformer le baccalauréat.
Le résultat, on le voit aujourd’hui, c’est une remise en cause de la dimension nationale du diplôme qui conduit à l’instauration de bac maison. Face à la contestation de cette réforme le ministre a voulu jouer la carte du fait accompli et l’impréparation, l’urgence, la mise sous pression de l’administration a conduit au KO que nous connaissons aujourd’hui. Les exemples de l’absurdité, de l’injustice, de l’aberration des E3C sont légions. » […]
[…] « Les conséquences sur les apprentissages de cette contre-réforme sont désastreuses, annoncée comme devant servir à supprimer le bachotage de fin de cycle elle l’instaure finalement de manière permanente créant une situation de stress sans fin au détriment des savoirs pour les élèves et au détriment du sens du métier pour les enseignants.« […]
[…] « Cerise sur le gâteau, le ministre a produit l’an dernier une loi qu’il a eu l’outrecuidance d’appeler Ecole de la Confiance dont le premier article permet de sanctionner tous les enseignants qui manifesteraient leur opposition! Les éléments de langage de Blanquer sont donc à prendre au contrepied de la lettre: la confiance c’est la défiance, la bienveillance c’est la maltraitance, et l’écoute c’est la surdité.
Cette marche forcée a conduit à la situation que nous connaissons aujourd’hui: des enseignants en colère dégoûtés face au mépris du ministre à leur encontre, des élèves qui refusent d’être les cobayes d’une réforme qui va les condamner à n’étudier que pour être testés et sélectionnés, des parents qui s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants.
Partout en France des mobilisations, des blocages ont lieu pour tenter de ramener le ministre à la raison. La seule réponse c’est la répression, la menace, la sanction, la casse du droit de grève.
Hier au Lycée Bellevue, des policiers filtraient l’entrée de l’établissement, la même chose s’était déjà produite au Lycée Touchard générant une tension qui a conduit à l’interpellation de plusieurs élèves et des sanctions à l’encontre d’autres. Nous sommes ici pour réaffirmer notre opposition à une contre-réforme imposé contre l’avis de la communauté éducative. Pour l’intersyndicale, la seule solution pour sortir de l’impasse c’est de suspendre les E3C et de rétablir les épreuves du bac dans leurs modalités antérieures. » […]
Quelques témoignages des enseignants du Lycée Touchard:
[…] « D’abord il faut rappeler que la veille, il y avait la première journée des épreuves E3C, et qu’une grande majorité des enseignants qui devaient surveiller étaient en grève. Le matin on était devant [le Lycée], il y avait du monde devant l’établissement, c’était très bon enfant, il y avait des élèves qui bloquaient un peu, mais bloquer c’est vraiment une façon de parler parce qu’il n’y avait que quelques élèves et en fait personne ne voulait rentrer vraiment, […] le proviseur très vite a annulé les épreuves et il n’y a eu aucun problème.
Je ne sais pas qui lui a téléphoné entre temps mais le fait est que le lendemain, il avait décidé un passage en force: au moment où nous sommes arrivés […] vers 7h […] il y avait déjà l’administration, il y avait toutes les portes de l’établissement fermées si ce n’est le petit portillon qui est là-bas donc déjà imaginer faire passer plus de 2000 élèves par un petit portillon c’était complètement délirant comme idée et devant il y avait un cordon de policiers, une bonne dizaine de policiers censés protéger, protéger de qui on ne sait pas trop…«
[…] « J’étais présent le jeudi 30 janvier au matin de très bonne heure, à 7h10 à peu près, place Washington où j’ai constaté que toutes les portes, tous les portails étaient fermés avec des chaînes… Une proviseure adjointe nous a reçus en nous disant que l’entrée se faisait côté Paixhans et que nous serions attendus avec un service d’accueil…
Et effectivement, le service d’accueil se composait de plusieurs policiers, de personnes étrangères au lycée qu’on ne connaissait pas auparavant, que personne ne connaissait et du proviseur qui était très remonté.
Dans un premier temps moi-même j’ai voulu occuper le devant du portail, je me suis fait déplacer gentiment, physiquement, par un policier […] Entre-temps, des élèves ont voulu former une chaîne humaine […] le proviseur ne voulait pas que ça se passe comme ça donc il est intervenu physiquement en poussant, en prenant par les épaules, en tirant les élèves pour déformer cette chaîne humaine, […] il l’a fait à deux, trois reprises…
Avec les collègues, on était complètement abasourdi, je me suis tourné vers le policier avec qui j’avais déjà eu une altercation et je lui dis « mais regardez ce que fait le proviseur mais enfin moi, si je fais le 10ème de ce qu’il fait, je suis convoqué dans son bureau et j’aurai des problèmes » et ce à quoi le policier a répondu « mais il fait son travail, il assure la liberté d’entrer dans le lycée » … donc je sais pas si la liberté d’entrer dans le lycée peut se faire de façon physique, enfin moi, c’est pas ma façon de voir les choses. » […]
[…] « Les professeurs étaient enfermés dans le lycée enfin c’était abracadabrantesque, voilà ce que je peux dire moi de cette journée qui reste un souvenir difficile à vivre pour la plupart des collègues.
En salle des profs, c’est vrai que le sujet revient souvent et cela créé un climat qui n’est pas bon pour pouvoir enseigner et travailler sereinement, on sait pas comment on va pouvoir continuer à travailler avec un proviseur comme ça quoi » […]
Témoignage d’une enseignante du Lycée Bellevue:
[…] « Il faut savoir qu’au début des épreuves E3C, tout s’est bien passé au lycée Bellevue, les épreuves ont lieu, il n’y a pas eu de problème…
Il y a 480 élèves en première: la première fois, il y a eu 20 élèves qui ont passé les épreuves, les autres étaient à l’extérieur, la seconde fois, 23 élèves et la troisième fois, 3 élèves à l’intérieur donc il faut savoir que les 20 au début c’étaient des internes qui n’ont pas eu le droit de sortir, la seconde fois à peu près la même chose la troisième fois, comme c’était un lundi, il n’y a que 3 internes qui sont rentrés… Mais, pour le Rectorat, les épreuves ont eu lieu au Lycée Bellevue! […]