13 janvier 2021.
Présentation:
« Franck, je l’avais rencontré pour la première fois à Paris au début de l’été 72. La vie de Franck était remplie de souvenirs parfois enfouis à jamais dans les méandres de sa mémoire alors que d’autres étaient présents en permanence, presqu’obsessionnels. Il m’en parlait pour reconstruire un passé qui tentait de lui échapper. Du moins c’est ce que je croyais.«
Le narrateur vous entraîne « Dans le désordre » de ces souvenirs tels qu’il les a recueillis.
Dans le désordre / 2-Le bouton de porcelaine.
Un souvenir particulier traverse son esprit. Franck se trouve au pied d’un petit immeuble ancien en piteux état en retrait de la rue des Envierges dans le quartier de Belleville. Un escalier sombre en chêne donne accès aux 3 étages. Pas de lumière, l’interrupteur ne fonctionne pas, les marches grincent à chaque pas et la poussière est bien visible sur la rampe qui longe tant bien que mal le mur abimé. Le silence règne, total, oppressant. Il n’entend que sa respiration, de plus en plus présente en gravissant l’escalier, et la plainte des marches sous ses pas. Un numéro 9, gravé sur une plaque de cuivre patiné, est fixé sur la porte. Délabrée. La porte est délabrée. Une porte ancienne en bois mouluré avec un bouton en porcelaine blanche. Le vernis noirci part en lambeau et laisse apparaître, ici ou là, le veinage du bois.
Franck est immobile, haletant et fixe la poignée blanche visible grâce à la lumière qui pénètre par la petite lucarne en haut de l’escalier. Il frappe à la porte. Pas de réponse. Il frappe de nouveau. Toujours cette absence de réaction. Il tourne le bouton, ouvre la porte, et perçoit aussitôt une odeur forte et ses yeux n’arrivent pas à percer l’obscurité. Il décide de pénétrer dans le logement malgré l’absence de visibilité et de réponse. Il referme machinalement la porte derrière lui et reste seul dans cette pénombre que ses yeux commencent à maîtriser peu à peu.
Un désordre d’objets divers non identifiés jonche le sol dont une masse noire et brillante qu’il reconnait progressivement : une télévision à écran cathodique. Devant elle, un lit cassé et des livres qui tentent de maintenir horizontal le cadre déglingué. Au-dessus de lui, sur le mur, une tenture d’inspiration indienne, à moitié décrochée, couvre des moisissures sombres. A droite de la télévision, un meuble supporte un petit four de cuisine crasseux ; face à lui, une table couverte de papier et de courriers et, en dessous, les restes d’un poste de radio éventré. Entre les meubles, le sol est en partie recouvert de vêtements éparpillés.
La seule fenêtre de cette pièce est fermée et le volet battant est entrebâillé. Seuls quelques traits de lumières traversent l’espace et lui permettent de voir qu’il n’y a personne. Ses yeux s’habituent à l’absence de lumière et il aperçoit un petit frigo qui semble fonctionner ainsi qu’une kitchenette dont l’évier est rempli de vaisselle. Une porte entrebâillée donne accès à une salle de bain : il entrevoie le lavabo et la baignoire ancienne sur pied. Il trouve un interrupteur. Il ne fonctionne pas. Il marche avec précaution et, en quelques pas, il est devant la salle de bain recouverte au sol de serviettes de toilette. Décidemment, ce logement semble vide.
Du moins, Franck le croit un long moment, jusqu’à l’instant où il a le sentiment qu’une présence est derrière lui ! Il se retourne brusquement et ne découvre que la pénombre traversée. Il ne se sent pas à l’aise dans cet environnement peu habituel où aucune chose ne semble à sa place. Son regard embrasse de nouveau la pièce entière : vide, elle est vide. Du moins, elle est pleine de choses, seulement de choses. Mais toutes ces choses présentes sont autant de signe d’une absence tout aussi réelle et perceptible. En fait, elles en sont la preuve s’il en faut. Mais contrairement à ces objets précis et matériels, l’absence est pleine de mystères et d’autres souvenirs. Il faut qu’il se souvienne des instants passés dans ce lieu. S’en souvenir ou les imaginer, le chemin est étroit…
A suivre…
Texte et photo Copyright Daniel Margreth.
en vous lisant on entend les marches grincer sous les pas
et des souvenirs d’escaliers viennent affleurer la mémoire
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On est tenu en haleine !!
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